Christian Goudineau (1939-2018)
Puisque Christian Goudineau est dans un état d’esprit à soulever régulièrement des remises en cause de connaissances établies, sa plume devient magique pour rétablir les données à leur place et dans le bon ordre. Après l’École Normale Supérieure et son cursus universitaire en Lettres Classiques (agrégation en 1962), il bascule vers l’Histoire et se confronte très tôt à l’Archéologie ; il plonge dans une archéologie qu’il dynamise, sur le terrain comme dans sa gestion, à la base – il est Directeur des Antiquités Historiques de Côte d’Azur (1969-1982) – mais aussi au sommet – au Conseil Supérieur de la Recherche Archéologique (1978-1989) – où ses responsabilités le conduisent à présenter au Premier Ministre, à travers son « Rapport sur l’Archéologie Nationale », des pistes pour organiser et régénérer les recherches en cette période où explosent les destructions de sites ; alors que l’archéologie préventive cherche sa voie, il est l’un des artisans majeurs de l’archéologie actuelle. |
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Ces implications sont loin d’être suffisantes pour lui ressembler et le définir. Il est, avant tout, doué d’une pédagogie qu’il met au service de l’enseignement dans les espaces de l’Université de Provence (1968-1984). À Aix, il a formé nombre d’étudiants, y compris et même, surtout, sur le terrain, lors de la fouille de la Maison au Dauphin à Vaison-la-Romaine (avec une publication exemplaire enchaînant pièces archéologiques justificatives, interprétation de ces données et extrapolation sur l’histoire de la ville), sur l’oppidum de Taradeau (dominant des vignobles …), et à Fréjus où il met en évidence le camp de la Flotte (le mot est mal choisi …). Toute sa vie, il accompagne ses étudiants, se préoccupe de leur devenir ; beaucoup sont devenus des amis. Quand il en vient à occuper la place de Camille Jullian, sur la chaire d’Antiquités Nationales, le Collège de France (1985-2010 : ses cours sont consultables sur le site) ne transforme pas ses préoccupations humaines mais libère ses bouillonnements d’idées sur les Gaules, sur César, sur le bouleversement des sociétés antiques qui se percutent et que le XIXe siècle avait réduit à des clichés baignés dans un nationalisme en recherche de construction. Il se met aux côtés d’une Gaule chevelue qui, pour exister face aux écrits convenus du chef de guerre, doit imposer ses découvertes de vestiges et ses mobiliers archéologiques. En quête d’une Histoire qui tend vers l’objectivité, il transmet les résultats de ses recherches profondément novatrices dans différentes publications scientifiques avec un style à nul autre pareil et qui mêle aux démonstrations limpides un vocabulaire de tous les jours : c’est le plaisir de lire des textes savants, avec délectation ! C’est le sésame pour captiver et rallier au savoir. Mais il a également le don de transcrire l’ambiance de ses avancées en connaissances dans des romans historiques à intrigues sous la Rome impériale (2000, 2004 et 2011). Il est à l’aise dans ces exercices de style car il est conduit par la conviction de voir juste et d’être dans la bonne voie en utilisant différentes formes d’expression. Il se régale à générer la publication d’un faux (L’Archéologue, juillet-août 1996, Lettre de Caius à Lucius) pour proclamer le vrai ! Comme il a vu juste dans ses premiers travaux, sur Bolsena. Il est membre de l’École Française de Rome (1965-1968) et son ouvrage sur la sigillée italique qui, basé sur la stratigraphie, lui permet de dresser une typo-chronologie (1968), reste incontournable tant pour l’histoire des recherches que pour la chronologie ; parallèlement est publiée une étude sur la production moulée puis d’autres encore sur cette vaisselle (1971 et 1980). Sans oublier son classement de la céramique à engobe interne rouge pompéien (1970) ni le regard qu’il porte sur les coupes de type Sarius (1968) ou encore ses deux articles successifs sur les productions de céramique à pâte grise kaolinitique des environs de Vaison-la-Romaine (1977 et 1978). Sur tous ces sujets, il doit prendre du recul et abandonner, au bord du chemin professionnel qu’il emprunte – jalonné d’enseignements, de recherches et de responsabilités – de nombreux tessons ; mais il n’y a aucun doute, ceux-ci lui restent chers. La question se pose : pourquoi s’être impliqué, au départ, dans le domaine céramique ? Pourquoi y être resté attentif par la suite, tout au long de sa vie ? Probablement parce qu’aucun site archéologique, aucune écriture de l’Histoire ne peuvent se comprendre ni s’élaborer sans les informations précises et précieuses que procurent les études céramiques en de multiples domaines ; des indications toujours largement perfectibles. Lucien Rivet Bibliographie céramique : – 1968 : La céramique arétine lisse, Fouilles de l’École Française de Rome à Bolsena (Poggio Moscini), IV, (1962-1967), École Française de Rome (Publications de l’École française de Rome, 6-4). Bibliographie littéraire – 2000 : Le voyage de Marcus, Paris, Actes Sud-Errance (édition poche : Babel, 2005).
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